Mercredi 8 février, le collectif Toulouse anti-précarité (TAP) a appelé à un rassemblement à la préfecture de la Haute-Garonne, pour demander la mise à l’abri des enfants et de leur famille ainsi que des adultes vulnérables.
À 12h30, place Saint-Jacques à Toulouse, les soutiens étaient au rendez-vous. J’entendais des sans domiciles fixe (SDF) scander au mégaphone : « À l’abri, le jour et la nuit ! Et de la viande rouge, ce serait bien aussi ! »
Chaque année ça recommence
Les chiffres mis en avant par le 28ème rapport sur le mal-logement en France de la Fondation Abbé Pierre sont sans appel : ce sont 4,1 millions de personnes non ou mal logées en France. Parmi ceux-ci, plus de 300 000 sont SDF.
Au niveau régional, le constat est très clair aussi. Malgré « une forte mobilisation des services de l’Etat, de la Métropole, de la Ville et des associations » pour augmenter les capacités d’hébergement, « cela n’a pas suffi » peut-on lire sur le tract distribué lors du rassemblement.
Comme l’explique Laetitia Mellottée de la Fédération des acteurs de la solidarité : « Il y a entre 150 et 200 personnes qui, chaque nuit, sont à la rue et qui ne sont pas mises en sécurité. » Ce que ça veut dire, c’est qu’elle appellent le 115 à Toulouse et se retrouvent sans solution d’hébergement.

« On doit refuser à des personnes l'accès à un lit »
Dans le cortège, je rencontre Johanne. Cette éducatrice spécialisée de 25 ans prête une flûte à une femme pour accompagner les autres dans leur fanfare de casseroles. Quand je lui demande pourquoi elle est là, elle m’explique : « J’ai commencé dans un accueil de nuit pour femmes depuis un mois. Dans notre centre d’accueil, c’est assez difficile. Les femmes sont là à la journée et doivent appeler le 115 tous les jours pour espérer avoir une place le soir. »
Une situation aussi tendue pour les professionnels : « Je viens d’arriver et je suis pleine de dynamisme ! Mais je vois des collègues qui sont là depuis 6 mois et qui sont usés. Pour nous c’est difficile éthiquement parlant de savoir qu’il y a 15 personnes qu’on ne peut pas accueillir tous les soirs et qui dorment dehors. »
Une situation qui peut toucher tout le monde
Dans ces centres, tous les parcours se croisent : « On a beaucoup de gens qui arrivent de l’Aide Sociale à l’enfance (ASE), donc qui ont 18 ans, qui sortent tout juste et qui n’ont aucune solution. Mais on a aussi des dames de 70-80 ans en situation de précarité qui suite à un soucis de papier ou avec leur retraite, se retrouvent à la rue », raconte Johanne.
Un constat partagé par une étudiante de l’Institut de Formation, Recherche, Animation, Sanitaire et Social (IFRASS) croisée dans la foule : « J’ai fait un stage en accueil de jour. On avait des parents qui ont perdu la garde de leur enfant car ils étaient à la rue, on avait des gens qui travaillaient, leurs collègues ne devaient pas se douter qu’ils étaient à la rue, que le soir ils dorment dans une tente. Il y avait des parcours très différents. »
des solutions pour l'avenir
En parallèle du rassemblement, les différents représentants du collectif TAP, composé de plusieurs associations et de travailleurs sociaux, étaient reçus à la Préfecture : « On attend déjà des solutions, à très court terme, de mise à l’abri de ces personnes qui ont parfois des situations très particulières : des femmes enceintes, des familles, des personnes isolées aussi », explique Laetitia Mellottée avant de rajouter : « L’idée est aussi de les faire rentrer dans des dispositifs plus pérennes avec des accompagnements et de travailler sur la question de façon plus durable. »
Car sur le terrain, les besoins sont là et sont vite visibles comme l’explique l’étudiante de l’IFRASS : « Du fait de ma formation, je vois l’envers des urgences du 115 et ça ne va pas du tout. Ce serait cool qu’il y ai plus de places qui s’ouvrent, une amélioration de ce service car c’est une catastrophe. »
Il en va de la survie de ces personnes, adultes comme enfants, mais aussi du respect de leur dignité : « C’est triste qu’il n’y ai pas de solutions pour ces dames là. Elles peuvent rester 4 mois dans ce dispositif à rappeler le 115 tous les jours. C’est hyper insécurisant pour elles, on les voit se dégrader physiquement et mentalement », explique Johanne.

Photo 1 : Maxime Le Goff
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