Un groupe d’environ 80 mineurs isolés, accompagné de différentes associations comme AutonoMIE ou TEC31, s’est installé mercredi 14 décembre dans un bâtiment non occupé de l’Université Paul Sabatier (Toulouse). Avec le froid hivernal qui arrive, il était important pour eux de trouver un endroit confortable pour dormir.
Pendant plusieurs heures, l’incertitude était palpable… Militants, associations et les jeunes étaient tous réunis à l’intérieur et à l’extérieur de l’immeuble ciblé par leur action. À peine arrivé, on pouvait lire : « Un logement collectif pour les jeunes à la rue », sur une banderole installée sur la façade.
« C’est une grande joie si on peut garder le bâtiment pour l’hiver »
Pour ces adolescents âgés de 14 à 17 ans, principalement arrivés d’Afrique, ce lieu de vie temporaire serait une aubaine : « Là où on est, il n’y a pas assez d’espace, c’est plein de saleté, c’est un vieux bâtiment. Il fait aussi froid dedans que dehors, beaucoup tombent malade. Dans ce bâtiment on va pouvoir aller aux toilettes, se laver… parfois on reste 5-6 jours sans se laver », explique l’un des garçons autour de moi alors que certains sont scolarisés.
Un autre enchaîne : « On veut juste un bâtiment au chaud en attendant nos recours ! »
Car si certains de ces jeunes sont à la rue, c’est que leur statut de mineur n’a pas été reconnu, voir qu’ils ont été désignés comme majeurs. Ils sont donc obligés de faire appel à la décision via le juge des enfants, mais ne sont pas pris en charge dans cet entre-deux.

Une politique d’accueil contestée
Une situation de plus en plus fréquente depuis la mise en place du Dispositif Départemental d’Accueil, d’Evaluation et d’Orientation des Mineurs Isolés (DDAEOMI) dont les opposants critiquent l’action. Selon eux : « Alors qu’avant 80% des mineurs étaient reconnus comme tels, aujourd’hui c’est 80% des minorités qui sont contestées. »
Pour Jennifer Gruman, adhérente de l’association TEC31 (Tous-tes en classe 31) qui accompagne la scolarité de certains jeunes en précarité, c’est invivable : « Après l’évaluation, le DDAEOMI les mettent à la rue sans les orienter vers des structures, en disant d’appeler le 115. On sait bien que le 115 ne répond pas, ils ont même fait grève car ils n’ont pas de solutions. »
Pour elle, la goutte d’eau, c’est surtout « le manque de considération » sur les dossiers des jeunes filles : « Chaque année on récupérait 2-3 filles en situation précaire car elles sont normalement vite considérées comme mineures. Mais cette année, on en a récupéré une vingtaine dont 9 sont à la rue en ce moment. » Une absurdité selon Jennifer qui assure qu’il n’y « a pas une seule fille qui n’a pas été reconnue mineure à la fin ».
Le collectif, c'est une force
À l’Université, c’est un long bras de fer qui a opposé les représentants des mineurs non accompagnés et la présidence de l’Université, qui n’était pas favorable à une installation dans les locaux. La raison : la sécurité du lieu serait compromise par le stockage de produits radioactifs dans cet ancien laboratoire de recherche.
Sur place, on pense au coup de bluff ! Car dans des articles de presse, la direction se veut rassurante sur la sécurité au sein de l’Université et l’installation ne se fait pas à proximité des zones concernées. En plus, « les portes étaient ouvertes quand on est arrivé et rien n’indiquait un danger à l’entrée du bâtiment », assure un militant.
« Moi j’ai déjà choisi ma chambre ! », annonce un autre ce qui a l’avantage de détendre un peu l’atmosphère encore tendue.
Après un nouvel entretien avec la direction et une nouvelle concertation, l’installation est annoncée. Les visages se détendent un peu. Tout le monde s’active pour aller chercher les matelas, brancher les frigos et petit bonus, ils vont pouvoir utiliser les douches avec de l’eau chaude d’un des gymnases ouvert jusqu’à 20h.
Car c’est ça la revendication principale de ces jeunes et du collectif AutonoMIE qui les accompagnent : trouver un lieu de vie collectif afin qu’ils s’entraident et puissent facilement s’occuper de leurs dossiers. Une demande qui a déjà fait l’objet de concertations après l’expulsion d’autres jeunes d’un EHPAD en août dernier.

Une éclaircie en demi-teinte
Mais dans toutes les têtes, un doute subsiste. Alors que je m’en vais, on m’assure qu’on va me tenir au courant « si la police passe dans la soirée ou demain pour les expulser ». Petit espoir, les forces de l’ordre sont mobilisées pour le match France-Maroc et ce soir, c’est maffé pour tout le monde !
Au moment où j’écris ces lignes, je n’ai pas encore reçu de message.
Image 1 : Maxime Le Goff
Image 2 : Maxime Le Goff
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